Démembrement : droits de mutation acquittés par le donateur de la nue-propriété de titres et calcul de la plus-value

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L’affaire n’est pas nouvelle et fait suite à un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes que nous avions commenté en octobre dernier.

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Pour rappel, des parents avaient effectué au profit de leur fille une donation de la nue-propriété de titres d’une société anonyme en se réservant l’usufruit. Les droits de donation avaient été pris en charge par les parents donateurs. Ils cédèrent par la suite conjointement la pleine propriété des titres à un tiers. Le prix de cession avait été réemployé dans l’investissement au capital de deux sociétés avec report du démembrement sur les parts sociales reçues en contrepartie.

Nous rappellerons que, dans le cas particulier du remploi du prix de cession de titres dans un actif avec report du démembrement, le nu-propriétaire endosse la qualité de redevable de l’impôt de la plus-value de cession. Cette spécificité est d’ailleurs propre aux plus-values de cession de droits sociaux.

En l’espèce, la fille ici donataire de la nue-propriété des titres et donc redevable de l’impôt, avait a posteriori considéré pour le calcul de la plus-value, que les droits de mutation à titre gratuit, bien que pris en charge par ses parents donateurs, pouvaient être pris en compte dans le prix d’acquisition. L’Administration refusant la régularisation de l’imposition, fut assigné par l’intéressée.

S’appuyant sur une lecture stricte de l’article 150-0 D, la Cour administrative d’appel de Nantes saisie de l’affaire (CAA Nantes, 21 juil. 2023, n° 22NT03428) écarta la prise en compte des frais de donation, ces derniers n’ayant pas été pris en charge par le cédant. La logique se révèle d’ailleurs conforme à la position de la doctrine administrative qui subordonne la prise en compte des frais d’acquisition dans le prix d’acquisition au support effectif de la charge par le contribuable et sous réserve de pouvoir en apporter la preuve.

Le Conseil d’Etat (CE, 17 juin 2024, n° 48848) ne dérogea pas à ce principe. Les droits de mutation à l’occasion de la donation des titres ne peuvent être déduits du gain net imposé dans les mains du donataire, dès lors que ce dernier ne les a pas lui-même acquittés.

Par ailleurs, selon la Haute, « la circonstance que le paiement de ces droits par le donateur était susceptible de constituer une donation rapportable à la succession dans les quinze ans de la donation en cas de décès du donateur qui, en l’espèce, était également l’usufruitier, n’était pas davantage de nature à leur conférer le caractère de frais et taxes déductibles du gain net ici imposable ».

Avis de l’AUREP : La solution conforte notre analyse de l’époque selon laquelle le raisonnement des juges du fond apparaissait bien-fondé. La solution révèle une lecture stricte des textes, de la doctrine administrative et une concordance à un principe antérieure consacré par le Conseil d’Etat en 2017 dans une espèce similaire (CE, 11 mai 2017, n° 402479). Au demeurant, le nu-propriétaire redevable de l’impôt de plus-value peut tenir compte dans le prix d’acquisition, de l’ensemble les droits de mutation afférents si, et seulement si, les titulaires de chacun des droits de l’usufruit d’une part, de la nue-propriété d’autre part, ont respectivement supporté les frais correspondant à leur droit.

Droit des sociétés Droit fiscal
Thomas Gimenez

Thomas Gimenez

Chargé de recherche